L'expérience humaine qui se vit dans les équipes en entreprise s'avère centrale à nos vies. C'est quand même là qu'on passe la plus grande partie de nos journées; non? C'est pour cette raison que j'ai choisi il y a presque 20 ans de travailler auprès des équipes de direction et des comités de gestion. Comment voulons-nous nous sentir ensemble dans l'équipe? La plupart du temps les réponses que j'obtiens tournent autour de l'ouverture, de la confiance, de l'intelligence collective, de la solidarité, du courage et du fun. Qu'est-ce qui fait que c'est aussi difficile à obtenir? Je vous dirais que c'est souvent dans le rapport que les dirigeants entretiennent avec les résultats futurs dans leur entreprise. On force les choses en essayant de tout contrôler pour se sécuriser...
J'observe des parallèles dans la relation que j'entretiens avec la ligne d'arrivée du marathon et celle que mes clients ont avec les résultats futurs de leur entreprise.
Ma contribution revient souvent à outiller les dirigeants pour mieux comprendre et faire évoluer leur expérience humaine ensemble. Ainsi ils peuvent focaliser là où ils ont le plus de chance d'avoir du contrôle pour être bien plus souvent dans le quotidien en prenant soin d'eux-mêmes et de leurs proches quand c'est nécessaire.
Ce blogue est une histoire de course appliquée à la vie de tous les jours. Courir un marathon me permet à moi de faire une pratique de plus avec les outils que je propose à mes clients. Je suis un apprenant.
La fixation d'objectifs long terme, la planification de l'entraînement, l'entraînement, la fixation d'un objectif de résultat et d'un objectif de sensations à court terme, le développement d'une stratégie de course, l'exécution de la stratégie. À travers tout ce processus, observer l'histoire qui se joue dans ma tête et ses conséquences sur mon expérience...
Voici le récit singulier de mon 2e marathon de Boston, directement partagé avec 30 000 personnes à la course et plusieurs centaines de milliers sur les côtés du parcours. Cette année, je commence par la fin.
Fiston, le lendemain du marathon, quand j’essaie de descendre les marches pour aller vers sa chambre: - “Tu descends les marches comme moi quand j’ai les pads de gardien de but”.
Peut-être que ça ne ressemble pas à un compliment. Toutefois c’est signe qu’il reconnait le résultat d’un effort indéniable.
La 2e fois qu’on fait quelque chose, ce n’est pas comme la première fois. Quand la première fois a été magique, les chances de répéter sont plutôt minces. L'an passé c'était ma première à Boston et elle avait été magique.
J’ai connu une bonne préparation cet hiver. Sans devoir forcer les choses au niveau de l’horaire, j’ai réussi à faire les entraînements d’intervalles en groupe avec les amis et beaucoup de plaisir, faire les longues sorties et éviter les blessures. En soi c’est déjà énorme. Ma préparation physique était donc vraiment meilleure que l’an passé. Des amis de course diraient peut-être aussi bonne que les années où je suis passé sous les 3h.
Normalement les jours précédant la course je suis en train de scanner les petits bobos devenus presque rassurants. Je pense à m'étirer et j’espère qu’aucun de ces petits inconforts ne prennent de l’ampleur. Toutefois, cette année, à quelques jours du voyage, j'ai attrapé un rhume. Dimanche (la veille de la course) j’avais mal aux muscles et à la tête. Je contemplais la possibilité de ne pas prendre le départ. Je suis allé faire une course test aux alentours de l’hôtel et finalement ces 10 minutes ont été celles où je me suis senti le mieux de toute la journée. Quand on dit que ça fait du bien courir…
Il est 17h00 la veille du marathon. C’est le temps d’adopter la bonne histoire dans ma tête pour vivre une belle expérience. Ça ne se fait pas en claquant des doigts mais je suis content d’y être arrivé. J’ajuste les attentes au niveau chrono. Dans un monde idéal je me requalifie. Fallait être sous les 3h20m. De plus en plus “facile” en vieillissant. Ça devient mon plan A si tout va bien. Si jamais ça ne marche pas, en cours de route j’ai le plan B: continuer pour finir. Et si jamais ça ne marche pas: découvrir comment passer au médical pour rentrer au bercail assis ou couché. J’étais ok avec le plan C. Voire, même un peu curieux. Mais le plan A restait le plan A.
On se fait arroser un peu avant le départ comme si la météo voulait nous dire: “Attention, ça pourrait être pire plus loin”. Le départ est donné. C’est le train qui part et j’embarque. 8 degrés, de la bruine et un petit vent de face c’est pas un peu comme quand t’es enfant et que t’es congestionné et que ta maman allume ton humidificateur pour la nuit? Non? Ok, elle ouvre les fenêtres aussi? En tout cas, au bout de quelques km, je commence à me dire que ça pourrait tenir. L’effort et l’ambiance sont en train de me guérir. Je me retiens avec prudence. Et le rythme est plus proche de 3h10 que de 3h20. Finalement, c’est peut être un plan A+ qui m’attend.
J’ai bien noté avec mes données de l’an passé qu’il y a 4 côtes à monter. 27e km, 29e km, 32e et 34e km. Alors je m’économise tout en guérissant.
Je monte les 3 premières côtes avec une certaine aisance. Puis c’est un peu plus difficile dans la 4e… Et arrivé au sommet, pendant que je suis heureux de lire Congratulations for Summiting HeartBreak Hill… la pancarte que tu savoures parce que tu sais qu’après c’est surtout une descente jusqu’à l'arrivée… Et bien comme une lancée de confettis pour célébrer; c’est la pluie qui commence à tomber fortement! Et je me mets à rire. Et avec le vent ça devient même froid. Et j’arrête de rire. Je la trouve moins drôle.
Je n’ai pas l’ardeur de l’an passé. Quand l’énergie diminue, je me trouve qqn dans la foule avec qui faire un contact visuel et l’énergie revient. Et elle repart quelques instants plus tard. C’est une partie très volatile de ma course. Des moments d’émotions où je me dis que je suis chanceux d’être là et j’ai la gorge nouée, des moments où j’ai envie de ralentir et des moments où j’ai envie d’accélérer pour en finir!
Mais c’est surtout la pensée de laisser venir les km et éventuellement la ligne d’arrivée qui m’habite. Moins me voir comme celui qui pousse mais plus comme celui qui est là, en train d’en profiter comme si la ligne pouvait venir vers moi pendant que je suis occupé à en profiter.
À divers moment je me connecte avec la foule pour le pur bonheur que ça procure et aussi pour dire merci à ces gens qui sont là pour nous. J’ai entendu un supporteur crier à 4-5 km de la fin “You have won this City”. Ça décrit bien ce qui était en train de se passer dans mon ressenti. Nous sommes 30 000 qui courrons ensemble ce jour-là pour des raisons qui nous appartiennent. La ville, pour la 127e fois, est là pour nous accueillir, nous encourager, nous féliciter. Entre la défaite de Kipchoge et la victoire de celui qui court parce qu’il apprend à se choisir dans la vie, il y a 29 998 autres histoires dignes d’intérêts.
Qu’est-ce qui est possible aujourd’hui? Et, comment j’ai envie de me sentir aujourd’hui? Ce sont les deux meilleures questions à mettre ensemble selon moi peu importe le défi.
Suis très fier de moi. Je me donne finalement un A+ sur toute la ligne. Le corps a tenu le coup parce que la tête s'est bien comportée. Mon temps honorable de 3h11m04s m’assure un retour à Boston si j’en ai envie pour l’an prochain. Et le marathon a guéri mon rhume!
Merci à Dorys Langlois mon coach et aux nombreux amis de course.
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